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Le lieu du contradictoire, du contournement et du détournement
publié le mercredi 5 octobre 2016
Par Arnaud de la Cotte.
« J’ai contourné l’exercice de l’exposition comme médium en me référant à la notion de monument en fonction de deux lieux (l’abbatiale et le Frac) qui formeraient un seul et même site. C’était l’intuition de départ, j’ai senti une certaine forme de schizophrénie dans la proposition. Le lac fonctionne pour moi comme une matrice intemporelle. C’est le troisième acteur de la tragédie. Dans ce travail, j’ai poursuivi l’exportation de deux formes archétypales sur lesquelles j’ai déjà travaillé : le diptyque qui renvoie au livre et les études de faces, objets aveugles (études de faces) disposés dans l’abbatiale de façon plus ou moins discrète dont la présence n’est pas d’emblée évidente. » Didier Trenet.
Une certaine forme de schizophrénie dans la proposition.
Il est certain qu’il y a dans cette approche une forme de fractionnement des choses, le lac, l’art, l’abbatiale, sans parler des approches culturelles et touristiques, de la volonté locale de valoriser un lieu protégé, inabordable… Cela nous met face à des problématiques contradictoires qu’a très bien exprimé l’artiste. Il a fait de cela, la base même de son travail.
Nous pouvons enrichir la réflexion sur le lieu en écoutant l’artiste parler de son travail, en regardant son œuvre. Ce qu’il dit, ce qu’il montre, nous renvoie à notre recherche sur le lieu.
La dialectique qu’il évoque entre cécité et invisible lorsqu’il détourne le dessin d’Antoine Coypel pour en faire un homme voilé d’une burqua est particulièrement intéressante. « La bourka complète ou burqa afghane est un vêtement souvent bleu qui couvre entièrement la tête et le corps, une grille au niveau des yeux permet de voir sans être vu » .
L’homme travesti en femme sous la bourka nous renvoie également à une sorte d’indécision, à une sorte de trouble. Comme nous l’avons vu, Grand-lieu « flotte » entre eau, ciel, terre et le feu n’est certainement pas loin. Il est peut-être dans la passion des hommes qui vivent sur les rives incertaines.
Dans ses études de face, Didier Trenet fait référence à l’aveuglement mais aussi à l’interdit. Il part toujours d’images, de matériaux, d’objets de la vie quotidienne. Ici, d’un point de vue technique, il s’inspire des morceaux de bouteille en verre scellé avec du ciment en haut des murs pour empêcher les « visiteurs d’entrer dans la propriété privée ». Il ne fait pas de masque mais des études de faces dépourvues d’yeux, aveugles… Nous retrouvons à la fois l’interdit et la cécité.
Ainsi le travail de l’artiste fait apparaître que Grand-Lieu est le lieu du contradictoire et du fractionnement, en une multitude d’images, d’approches : naturaliste, écologique, ethnologique, touristique, hydraulique… Nous pourrions prolonger cet inventaire indéfiniment. Il utilise cette « matière » pour composer son œuvre. En retour, cela vient nourrir la réflexion sur le projet de développement culturel à vocation touristique. Cela questionne la démarche de développement. Ne faut-il pas dépasser la logique du quantitatif pour gérer les contradictions en présence ?