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L’art des passages
publié le mercredi 28 septembre 2016
Par Arnaud de la Cotte.
J’ai rencontré Luvier Casali pour la première fois lorsque je suis allé à Asunción au Paraguay à l’occasion du prix Matisse en 2006. Dans un texte que j’avais rédigé pour le catalogue de l’exposition, j’évoquais déjà la possible rencontre entre Luvier et le lac de Grand-Lieu.
Deux ans plus tard, en tant que lauréat du prix matisse, je l’ai invité à venir travailler sur les rives du lac et dans l’Abbatiale.
Depuis plusieurs années que les artistes de succèdent à Grand-Lieu, Chacun porte son propre regard sur cette espace inaccessible et presque invisible pour créer des œuvres profondément ancrées dans le lieu. Le travail de Luvier Casali s’inscrit dans cette logique.
Dans « Notre petit immigré », Luvier, étranger au lieu, nous entraîne dans une étonnante et dérisoire odyssée, à la dérive sur un minuscule radeau, simplement composé d’une palette en bois et quelques plaques de matériaux isolants pour assurer sa flottabilité. Embarcation lancée sur les flots pour unes traversée improbable d’une rive à l’autre du lac.
A l’image de ces immigrants, qui se lancent sur les mers au péril de leurs vies pour rejoindre l’Europe, pays de cocagne. A l’image aussi des indiens Guaranis du Paraguay, qui, bien avant l’arrivée des premiers Européens, partaient à la recherche de leur paradis : la « terre sans mal ». Contrairement au paradis des chrétiens, le leur fait partie de ce monde, il a une réalité géographique. C’est le lieu des commencements où les ancêtres côtoyaient les dieux et les héros. Il est dit qu’on peut l’atteindre concrètement de son vivant. Il est dit aussi qu’il ressemble plus au ciel qu’à la terre… A l’image de Grand-Lieu ?
Voilà ce que nous raconte Luvier dans « Notre petit immigré », il se livre à son art des passages, au hasard des courant. Il passe du voyage sur le lac où il se laisse porter par les flots vers une terre promise à l’immobilité dans l’abbatiale qui devient un espace de pérégrination, un lieu de déplacement imperceptible su sens : posé sur le sol, le radeau devient un socle sur lequel l’artiste pose, se pose.
Art des passages, comme lorsqu’il réalise son travail de gravure. Qu’il passe et repasse les couches d’encre sur la plaque et qu’il passe et repasse les feuilles sous la presse.
Déplacement, cet instant où l’homme quitte un endroit pour aller vers un autre, cet instant suspendu au mileu de nulle part. Démultiplication du mouvement dans un autre lieu où le corps n’est qu’un passage.
Luvier Casali cherche un lieu où l’art serait son unique préoccupation, un paradis perdu dont il s’approche à chacun de ses déplacements.