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Projet d’écriture
publié le mardi 30 septembre 2025
Comment le projet s’inscrit-il dans l’histoire
de l’association l’Esprit du lieu ?
L’histoire des résidences a commencé en 1999, il y a donc un quart de siècle à partir du projet artistique de l’association qui repose sur la présence presque invisible du lac de Grand-Lieu inaccessible. La question de notre rapport au lieu est donc à l’origine de la mise en place des résidences d’auteurs. Comment la littérature, l’art, la poésie peuvent aussi être des moyens de découvrir un lieu ? Comment petit à petit, se forme une matière littéraire et plastique qui donne à voir, à ressentir et à vivre le lieu.
Depuis vingt-cinq ans, vingt-six auteurs, écrivains et artistes plasticiens ont participé à la résidence. Une quinzaine d’ouvrages ont été publiés et autant d’œuvres, parfois éphémères ont été réalisées in situ.
Aujourd’hui, avec le recul du temps, l’association mène une réflexion sur la question de la valorisation de l’ensemble des œuvres réalisées par les artistes reçus en résidence à Grand-Lieu. Année après année, une véritable matière artistique et littéraire s’est constituée. Cette approche singulière donne à voir autrement le lac de Grand-Lieu. Elle s’inscrit dans le prolongement des approches scientifique, historique, environnementale, ethnologique et patrimoniale déjà présentes sur le site.
Pour la résidence 2025/2026, l’association souhaite développer une nouvelle approche à travers l’écriture d’un film de cinéma documentaire pour plusieurs raisons :
– Depuis une dizaine d’années, l’Esprit du lieu développe une action d’éducation à l’image dans le cadre du dispositif Passeurs d’images et le directeur artistique de l’association à travers son activité de filmeur a constitué une forme d’archivage des résidences. Certaines archives pourront être incorporée dans le projet de film.
– La forme cinéma documentaire peut permettre de traiter les questions qui émergent aujourd’hui des résidences, et de toucher un nouveau public.
– Cette forme permettra également de travailler sur la relation texte / image qui est au centre du projet artistique de l’association.
L’association accueille le réalisateur Yvan Petit, qui depuis plusieurs années est associé aux ateliers de réalisation dans le cadre du dispositif Passeurs d’images. L’idée de cette résidence est née au fil du temps, Yvan Petit a pu développer un rapport personnel à Grand-Lieu, à la fois par sa présence sur le site et à travers sa connaissance des œuvres des auteurs qui l’ont précédé ici.
L’objectif de la résidence est bien d’accompagner le cinéaste dans l’écriture d’un projet de film personnel qui n’est en aucun cas une commande.
La médiation avec les publics en partenariat avec les : médiathèques, salles de cinéma, établissements scolaires fait partie à part entière du dispositif des résidences. Une programmation de projections-rencontres sera donc préparée autour des films d’Yvan Petit et en particulier à partir de son approche autour de la figure de l’eau qui est en effet le paysage métaphorique de ses derniers films : « De la résistance des digues », et « Contourner ». Cela permettra de créer des lignes de partage des eaux avec le public, de favoriser les échanges sur leur expérience du lieu.
Le livre est un élément clé de l’approche de l’Esprit du lieu, c’est par lui que se sédimente la matière artistique et littéraire. Par ailleurs les liens entre cinéma et livre ne sont plus à démontrer, et de nombreux cinéastes diaristes ont interrogé les liens entre écriture littéraire et cinématographique : Jonas Mekas, Jean-Luc Godard, Boris Lehman, notamment. Très récemment, une édition en trois volumes, « Œuvre écrite et parlée » de l’ensemble des textes de Chantal Akerman, constitue une somme en la matière.
S’inscrivant dans cette histoire, Yvan Petit développera parallèlement son projet éditorial en travaillant sur le rapport textes et images dans la continuité de la collection l’Esprit du lieu aux éditions joca seria. Son approche s’inscrira dans la lignée des livres de Gilles Bruni, Paul-Armand Gette ou François Bon. Le projet de film résultant de la résidence sera dans un second temps proposé à un producteur puisque cette phase sort des compétences de l’association.
Résider à Grand-Lieu
Note d’intention d’Yvan Petit
Venir en résidence, c’est venir vivre et filmer au milieu des textes, des paroles, au bord d’un lac qui efface les repères, le temps d’un film-texte. Un lieu invisible, qui se révèle en fonction des saisons, n’est-ce pas un rêve de filmeur qui cherche à poétiser le réel ?
Je pratique un cinéma diariste, au quotidien, un cinéma du temps long, de l’observation, du décalage entre le visible et le narré. Ces notions qu’Arnaud de la Cotte a développé dans son livre 10 000 images, la pratique du Journal filmé. Ce projet de résidence arrive après deux collaborations dans le cadre des ateliers Passeurs d’images menés par l’association l’Esprit du lieu sur le journal filmé. Cela aura été la meilleure manière pour moi d’investir cet espace : y travailler, y filmer, m’y déplacer d’une résidence de jeunes travailleurs à un centre d’accueil jeunesse, commencer à topographier les lieux et reconnaître les directions, le nom des villages sur les panneaux.
À chaque session des ateliers, j’ai réalisé un épisode de mon journal filmé. Petit à petit, le lac est devenu un de mes décors, il se mêle aux autres eaux de mon travail de cinéaste.
Je suis Ligérien. Le trajet répété pour venir travailler à Grand-Lieu n’est jamais l’autoroute, mais suit la Loire de la Touraine au lac, avec à mi-parcours, un repère : le Saint-Florent-Le-Vieil de Julien Gracq.
À quelques encablures du lac, Nantes, une ville, comme un autre repère au loin, ses lumières dans la nuit, les entrelacements du périphérique (dit-on rocade ici aussi ?) qui rapprocherait la ville de ce Grand-Lieu mais qui peut aussi nous en éloigner.
Il y a quelques années, je suis parti de Tours pour vivre moi aussi « après la ville », et je chronique dans mon journal filmé cette modification de mon paysage, de mon regard, de mon paysage. Cette périphérie rurale qui partout s’étend, et particulièrement autour du lac de Grand-Lieu, est dorénavant le décor de mes films. Toutes ces choses que je retrouve dans le livre Où finit la ville que François Bon, mon voisin tourangeau, a écrit lors de sa résidence.
Une similarité géographique, et parallèle, un Grand-Lieu fabriqué, construit, énoncé, par des œuvres : vingt-cinq ans de livres issus de résidences (parmi leurs auteurs et autrices, plusieurs références littéraires importantes pour moi), et les six années du Journal filmé d’Arnaud de la Cotte sur YouTube.
Je suis arrivé à Grand-Lieu avec des représentations qui se sont confrontées à la réalité. À cela, je dois ajouter la dimension autobiographique qui est constitutive de mon travail de cinéaste. En effet, mon jeune frère habite depuis peu, sur les rives du lac. Ma nièce, qui est née en 2022, sera, elle, une vraie habitante du lac. Je la filme grandir lors de mes déplacements pour les ateliers. Par ce hasard, ce lieu qui m’était étranger, s’incarne et entre dans histoire. Cette chronique familiale est comme une couche supplémentaire à explorer. Cela pourrait sembler anecdotique mais j’interprète ce rapprochement comme un hasard objectif, qui, suivant la définition d’André Breton est une « forme de manifestation de la nécessité ».